3529 - "C'est tout un art de vivre bien les choses !"
Waldo est mort... Salut, l'artiste.
Alors comme ça, tu es parti ?
Voilà bien des années que nous ne nous étions causé, Waldo et moi. La vie, tout ça.
Mais c'était un sacré bonhomme que j'avais eu la chance de croiser dans les premières années de DD, vers 2006 je crois. On s'était retrouvés lui et moi non loin du Bon Marché, dans un bistro parisien pour déjeuner tous les deux et parler de notre coupable passion pour la fessée.
J'ignore pourquoi, à le lire avant de le rencontrer, je m'attendais à une force de la nature, un grand gars costaud mais c'est un petit homme aux yeux rieurs avec une clope au bec qui m'a accueilli en me voyant arriver, levant la main pour se signaler afin que je rejoigne sa table avec un sourire. Un look de parieur de PMU qui m'avait certes un peu dérouté, mais que bien vite il m'a fait oublier.
L'homme était fin, intelligent et espiègle avec un sens de l'humour aiguisé. On a bien ri.
On s'est ensuite revus une dernière fois deux ans plus tard lors d'un vernissage de ses albums par un bel après midi de juin dans une boîte SM de l'île Saint-Louis qui était ouverte exceptionnellement avant l'arrivée des habitués...
Après, on se suivait de loin en loin de blog à blog, avec parfois un petit commentaire de lui chez moi, et vice versa...
Waldo, c'était aussi une mémoire, au delà du formidable dessinateur et graphiste qu'il était, comme le prouvent ces centaines de dessins qu'il laisse sur notre sujet préféré et qu'on peut retrouver un peu partout sur la toile sur les sites SM du Monde entier tant il a été pillé, souvent d'ailleurs sans être crédité...
Le porno des sixties, Jean Rollin ou Burd Tranbaree, il connaissait bien, y avait participé à son corps défendant et fourmillait d'anecdotes drôles et passionnantes sur ce... milieu, pour peu que tout ceci vous intéresse.
Les premières années du blog qu'il me faisait la gentillesse de lire régulièrement, il n'hésitait pas à se raconter d'ailleurs un peu dans les commentaires de mes posts, en nous narrant du coup un tas de souvenirs sur cet "âge d'or du X" en France, dans les années 60 et 70...
Plus jeune que lui et d'une autre génération, je dois dire que je buvais ses paroles !
Waldo le bricoleur, navré de mon aversion d'alors envers les instruments, m'a un jour proposé de me fabriquer lui-même un martinet. J'ai reçu l'objet, joliment empaqueté "sous pli discret" chez moi.
Je l'ai encore et il arrive que je m'en serve, avec un petit sourire en évoquant l’artisan du cul qu'était ce monsieur.
Je connais évidemment son vrai nom sous lequel il a avait commis une BD spanking, 46 pages dont il n'était d'ailleurs pas très satisfait, avec le recul... Un titre publié en album voici bien des années, qu'il m'a offert, dédicacé, lors de notre rencontre.
En échange je lui avais offert une des miennes.
Il avait eu la gentillesse de me demander en 2007 de lui écrire une préface pour le recueil de quelques-uns de ses dessins de fessées... Et que vous lirez ci-dessous.
Ça va fesser, au Paradis !
Waldo le Maître de la fessée
"Dans le domaine du graphisme, et de la BD en particulier, qui est mon univers professionnel, il arrive que l'on croise des gens dont on se dit qu'ils sont passés à côté d'une grande carrière.
Waldo est de ceux-là. Son trait sûr et élégant très proche de la fameuse "ligne claire", son encrage et ses personnages ne sont pas sans rappeler ceux d'auteurs passés depuis à la postérité du Neuvième Art, à l'instar d'un Juillard ou d'un Adamov, par exemple. Certes dans un univers plus libertin qu'eux, toutefois, puisqu'il a choisi pour notre plus grand plaisir d'illustrer fantasmes et turpitudes érotiques, avec une prédilection avouée pour "l'éducation anglaise".
La "fessée" quoi...
Il a choisi une autre voie.
Pas de séries ni d'albums sur le marché de Waldo le Bruxellois... (d'adoption, vivre en Belgique était un signe de plus sans doute !). À la place, depuis de nombreuses années, le bougre travaille pour la presse libertine et nous enchante de petites saynètes sans prétention autres que de croquer (sur le papier et à pleines dents) de mignonnes demoiselles aux fesses rebondies, joliment "mises en couleurs" par ses soins au propre comme au figuré...
Son style très BD m'a d'ailleurs longtemps fait croire qu'il s'agissait d'un de mes estimés confrères, quelque auteur connu publiant sagement des livres plus "montrables" et se distrayant anonymement entre deux albums... Il se trouve que je partage sa passion pour cet érotisme-là...
Nous nous sommes croisés sur Internet, puis dans la vie autour d'une bonne table.
En "vrai", le gaillard est affable, ses commentaires toujours élégamment distanciés. On devine l'homme d'expérience qui ne se prend plus la tête. Dans un monde virtuel où pas mal d'internautes passionnés d'érotisme ou de pornographie se cachent derrière l'écran avec des pseudos triomphants, faisant croire sur la Toile à ce qu'ils ne font pas dans leur vraie vie, c'est forcément rafraîchissant de rencontrer un type qui vit ses fantasmes sans honte ni fausse pudeur.
D'un point de vue technique, son encrage est rapide, ses couleurs joliment posées de façon juste et précise, avec - on le sent bien - plus de temps passé à fignoler les chairs et travailler le rendu du velouté de fesses rougissantes qu'à exécuter les plis de vêtements ou chiader les décors...
Quoiqu'il excelle à dessiner les sous-vêtements, rendant presque émouvante une attache de soutien-gorge, un pli dans les chairs, un élastique qui marque sur la peau fine.
L'ami Waldo m'a aussi donné à voir, issues de ses cartons, quelques aquarelles superbes, des paysages, des vieilles rues typiques et autant de décors magnifiques qui auraient bien leur place dans un beau livre à venir, entre deux scènes de fessées... On y pense !"
Dessin© Waldo